Chroniques de la vie quotidienne

Mon fils a quitté la maison le mois dernier

26 septembre 2025

Un mois, trente jours, c’est le temps que je m’étais secrètement autorisé pour vivre ma peine. Trente jours le cœur au bord des larmes.

Depuis ton départ, je vis en permanence avec cette impression étrange d’avoir oublié quelque chose. Une sensation diffuse, comme un détail qui cloche : un four qu’on croit allumé, des clés restées derrière la porte, un sac de courses incomplet. Un sentiment désagréable de fragmentation. Puis je sursaute, ah non, c’est toi qui manques à la scène, ce n’est pas moi qui ai oublié, c’est toi qui n’es pas dans mon décor.

Je m’étais donné trente jours pour dompter ton départ. Trente jours entrecoupés de maigres appels où je prends un ton guilleret pour ne pas t’alourdir.

C’est trop peu pour s’habituer au manque, à ton silence. Trop peu pour que l’assiette en moins soit devenue un réflexe, pour cuisiner en moindre quantité. Trop peu pour ne pas avoir de restes après le repas, pour ne pas remplir le frigo de ce trop-plein qui dit ton absence.

Pourtant, ces trente jours n’ont pas été vides : au cœur de ma peine, mon dernier texte a trouvé un écho immense. Sais-tu que mon post est devenu viral ? 782 356 vues, 47 586 interactions. Ce sont les chiffres officiels.

Presque 50 000 personnes qui interagissent sur mon post, ce sont autant de sensibilités mises à nu, de voix qui reconnaissent que l’enfant qui grandit ne cesse jamais d’être leur enfant. Autant de mains qui écrivent sans honte leur nostalgie, leur tendresse intacte.

Je crois qu’on touche là à l’essentiel : quelque chose de notre humanité. Tu le sais déjà, elle ne réside ni dans la force, ni dans la victoire, mais dans le partage. Dans le courage de se dévoiler. C’est sans doute la part la plus digne de nous-mêmes, cette force paradoxale qui naît de la fragilité. Ce chagrin nous unit. Il rappelle que nous sommes des êtres faits pour aimer et continuer à aimer.

Tu vois, ton départ m’a offert l’occasion de me faire de nouveaux amis. Virtuels peut-être, mais réels dans leurs émotions. C’est précieux de savoir que nos histoires se répondent, que nos émotions se reconnaissent d’un écran à l’autre.

Parfois je les imagine devant moi, mes nouveaux amis. Mais ils sont si nombreux qu’ils ne tiennent pas dans mon bureau. Alors je les installe dans ma rue mais là encore ils débordent… C’est une foule immense. Une foule immense de cœurs ouverts, de parents-poules qui s’inquiètent, qui conseillent, qui chérissent. Des parents qui continuent de border des lits vides.

C’est vrai que ton départ me parait encore insurmontable. Mais ne t’inquiète pas pour moi, avec mes nouvelles copines on a décidé de se serrer les coudes et d’être gentilles avec nous-mêmes, de nous laisser le temps qu’il faut.

Moi et mes 50 000 compagnons de fortune, on va s’octroyer 30 jours supplémentaires.

Dans 30 jours, ça ira mieux. Promis.

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